Épinal, un territoire où formations supérieures et développement économique convergent

Dans les Vosges, formations supérieures et développement économique ne font qu’un. Depuis 1905, l’École supérieure des industries textiles (ESITE) d’Épinal a accompagné le développement, puis l’inexorable déclin de l’industrie textile. Les tenants et aboutissants de la crise du textile ont conduit à la fermeture de l’école en 2005.

Par contre, dans le monde de la forêt et du bois, le schéma est différent. Le département des Vosges possède une richesse non délocalisable : sa forêt, avec un taux de boisement de 50 % de la superficie, soit 300 000 hectares, dont 60 % publics. S’y ajoutent la diversité d’essences, bien au-delà de l’emblématique sapin des Vosges, et la réputation d’une main-d’œuvre volontaire au travail, dans une multitude de PME résilientes aux savoir-faire incomparables. Tous les ingrédients d’un développement possible avec pour partenaire essentiel l’Université.

En 1980, Épinal s’affiche encore comme la « Capitale du bois » et accueille la plus importante foire forestière de France. En déclin, elle cherche un nouveau souffle. À la fin du XIXe siècle, les forêts de hêtre, de qualité exceptionnelle, ont donné à Liffol-le-Grand et Neufchâteau un essor spectaculaire dans le meuble : les sièges du luxueux paquebot Normandie y sont fabriqués. Mais les nouvelles attentes des consommateurs des années 80 et les délocalisations ont brisé la dynamique : 90 % des 3 000 emplois de la filière sont détruits. Seuls survivent ceux qui se sont positionnés dans le luxe. Paradoxalement, les Vosges sont pourtant un territoire d’innovations où le bois a osé bien avant les autres. Weisrock, emblème du lamellé-collé créé par le Déodatien Claude Weisrock (1938-2022), en est l’illustration.

Innovations, entreprises pionnières et renouveau industriel

L’entrepreneur a osé : les amphithéâtres de l’Université de Reims, classés depuis monuments historiques, les portées de plus de 80 mètres en bois sans appuis intermédiaires, à l’image du vélodrome de Bordeaux. Après son retrait des affaires, l’entreprise connaît bien des difficultés avant d’être reprise aujourd’hui par NS Gerbois. L’empire industriel Houot, à Fraize, a produit par milliers des modules bois de maisons individuelles ou d’hôtels Formule 1. Le groupe est racheté en 2000 par François Pinault et revendu à la découpe. Cependant, Charpente Houot à Sainte-Marguerite poursuit son activité dans des ouvrages comme les restaurants McDonald’s, l’amphithéâtre de l’ENSTIB ou la gare Meuse TGV.

À l’origine de cette reprise, un ancien élève de l’École nationale supérieure des technologies et industries du bois (ENSTIB), école d’ingénieurs née vingt ans plus tôt d’une réflexion collective entre l’Université de Nancy 1 (devenue Université de Lorraine) et la ville d’Épinal. En 1980, la formation initiale, une maîtrise de sciences et techniques, comptait huit étudiants, un tableau noir et quelques boîtes de craies. La passion d’universitaires et le soutien politique de Philippe Séguin, député-maire d’Épinal, ont porté cette aventure. Quarante-cinq ans plus tard, l’ENSTIB jouit d’une renommée internationale et accueille chaque année 400 élèves ingénieurs, étudiants de licence, de master ou doctorants, trois laboratoires de recherche, un centre de transfert de technologies. Soixante-dix permanents (enseignants-chercheurs, personnels administratifs et techniques) y travaillent dans des locaux adaptés de 15 000 m².

Dès l’origine, la proximité avec l’entreprise et le territoire est au cœur du projet universitaire. L’objectif est d’attirer les jeunes talents venus de toute la France et ainsi d’alimenter les multiples PME du territoire. Le triptyque original de l’ENSTIB — formation, recherche, transfert de technologie — accompagné par un soutien politique ferme, fait le succès et la réputation de l’école spinalienne.

Parallèlement, le département des Vosges a pris à nouveau conscience de sa richesse forestière et de l’activité économique qui en résulte. À l’exemple de « Green Valley » d’Épinal-Golbey, l’un des plus gros sites papetiers européens, où Norske Skog passe aujourd’hui de la production de papier journal à celle du carton d’emballage. Le bois a le vent en poupe : écoconstruction, énergie et chimie verte maximisent les collaborations entre les entreprises de la filière. Une forme concrète d’écologie industrielle et territoriale est née. L’ENSTIB a largement contribué à la revitalisation des Vosges autour du bois. La proportion d’élèves non vosgiens intégrant l’école est largement majoritaire, et bon nombre d’entre eux choisissent de rester dans les Vosges pour y mener leur carrière.

L’image d’Épinal, faite de bûcherons taiseux et de schlitteurs rudes à la tâche, dont le film Les Grandes gueules a contribué à forger la légende, est révolue. Épinal est bien redevenue la capitale du bois.

Où sont les diplômés de l’ENSTIB ?

Dans des créations et reprises d’entreprises : Lignatec, Les Constructeurs du Bois, Charpente Houot, IN’BÔ, Xylolab, Il était un arbre, Process Ingénierie, Menuiserie Houillon, Fibex, Transwood… près de 40 diplômés de l’ENSTIB œuvrent dans ces entreprises.

Dans des entreprises leaders du département : Menuiseries Couval, EGGER, NSG, Pavatex, Ecologia, Menuiseries Les Zelles, Merrain International, VM88… plus de 30 diplômés sont salariés de ces entreprises à différents niveaux de responsabilités.

Dans les scieries du département : Lemaire, Germain-Mougenot, Gaiffe, Mathieu

Dans les entreprises de la construction bois : Poirot Construction, Socopa, Cuny Construction, Vosges Charpentes, Sertelet, Ecologia, Gico, ABC Charpente

Et aussi dans les cabinets d’architecture des Vosges : Cartignies-Canonica, Haha, Fairsens, JLG

L’Association des anciens élèves maintient le lien avec tous les élèves dans les Vosges et ailleurs.

Pascal Triboulot

Auteur

Flavie NAJEAN

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