Histoire de la forêt française : vérités, enjeux et idées reçues

Petite histoire de la forêt en France métropolitaine

La forêt est devenue en quelques années un sujet d’actualité brûlant et ce ne sont pas seulement les incendies qui se multiplient qui en sont à l’origine. Depuis le grand confinement et le besoin d’espace et de nature qui l’a suivi, la forêt est devenue un sujet majeur. Ce n’est que justice rendue à ces espaces naturels dont la nécessité n’est plus à démontrer.

Entre mythes, désinformations et réalités

La forêt est au centre de désinformations, de fantasmes divers, d’informations erronées et d’avis au mieux divergents, au pire totalement incongrus. Mais, au final, où en est la forêt française ? Charles VII, qui doit sa couronne à Jeanne d’Arc « la Pucelle de l’Est », et Emmanuel Macron, ci-devant président de la République, ont un point commun : la forêt de France a la même superficie, soit 17 millions d’hectares (31 % de la France métropolitaine), que ce soit en 1429 ou aujourd’hui.

Parler de disparition de la forêt française n’a donc aucun sens. Une analyse plus fine montre que les 17 millions d’hectares du Moyen Âge ont fondu régulièrement, pour atteindre un point bas d’environ 7 millions d’hectares lors des prémices de la révolution industrielle du XVIIIe siècle. Il fallait de l’énergie pour les fours et les machines à vapeur, le charbon de bois était cette énergie, les forêts payèrent un très lourd tribut en l’absence d’une gestion forestière raisonnée, telle que nous la connaissons aujourd’hui.

Il est paradoxal de penser que ce sont les énergies fossiles : le charbon puis le pétrole qui sauvèrent les forêts françaises. L’abandon du charbon de bois, les effets partiellement mis en œuvre de l’ordonnance « sur le fait des eaux et forêts » rédigée par Colbert (qui inspira le Code forestier dans sa version initiale de 1827), la qualité des forestiers formés à Nancy (le bicentenaire du site a été fêté en 2025) ont permis ce renouveau. 

Belle forêt naturelle

La propriété forestière : un paysage éclaté et méconnu

Si le droit divin avait attribué la propriété de l’ensemble des forêts françaises à Charles VII, à ses royaux prédécesseurs et successeurs, la Révolution est passée par là et la propriété forestière a beaucoup évolué. Il faut se faire à l’idée que toute parcelle forestière a un propriétaire et ce sont essentiellement des propriétaires privés. Sur les plus de 17 millions d’hectares de forêts en France métropolitaine, 13 millions appartiennent à des propriétaires privés (75 %, dont plus de 2 millions de propriétaires de moins d’un hectare…), 1,5 million d’hectares constituent les forêts domaniales, propriété de l’État, et 2,8 millions d’hectares sont la propriété des communes. Forêts domaniales et forêts communales constituent les forêts publiques, dont la gestion est déléguée à l’Office national des forêts (ONF).

L’ONF n’a aucune légitimité ni responsabilité dans la gestion des 3/4 de la forêt française métropolitaine. Non, la forêt n’est pas un bien commun, à méditer sous le couvert des grands arbres, en se rappelant qu’ils ont tous un propriétaire, suffisamment généreux pour nous permettre d’en jouir, et presque toujours sans entrave ni billet d’entrée. Il faut comprendre que la forêt française est riche de sa diversité. Plus de 130 espèces d’arbres la constituent : 2/3 de feuillus et 1/3 de résineux, battant en brèche cette idée dominante que la forêt française serait en passe de ne devenir qu’une forêt de résineux tristement alignés. Il faut accepter que la régénération naturelle constitue à 85 % le mode de reconstitution des forêts françaises après récolte. La plantation est très largement minoritaire, même si elle a constitué un point de passage obligé après la crise des scolytes qui a ravagé les peuplements d’épicéas.

Régénération naturelle et gestion durable : l’état réel des forêts françaises

Il faut savoir que l’on ne récolte en France que 60 % de l’accroissement biologique naturel. Le capital forestier ne cesse donc d’augmenter chaque année. C’est incontestablement une gestion que l’on peut qualifier de « bon père de famille ». La forêt a traversé bien des crises, elle s’inscrit dans l’histoire du monde. La plus ancienne forêt fossile est datée de 370 000 années (Gilboa, État de New York, elle était constituée uniquement de conifères, les feuillus sont apparus bien après). Le plus vieil arbre vivant a 5 000 ans (Cyprès de Patagonie au Chili). Cette capacité à traverser les siècles, à résister au temps et à ses caprices, nous amène à beaucoup d’humilité et de confiance. Le forestier comme le propriétaire forestier savent faire preuve d’humilité. Comme la forêt, ils s’inscrivent dans le temps long. Ils ne verront souvent jamais le résultat de la gestion forestière qu’ils mettent en place. C’est d’autant plus difficile que la forêt est la première victime du réchauffement climatique. Le forestier en a pleinement conscience, il cherche, expérimente, prend en compte les enseignements et les erreurs du passé. La pire des choses serait qu’il abandonne.

La multifonctionnalité des espaces forestiers est inscrite en France dans le Code forestier, c’est une spécificité et le fruit de l’histoire. Une forêt multifonctionnelle absorbe le CO₂, protège la biodiversité, contribue à la qualité des eaux et à la stabilité des sols, accueille le public, produit le bois dont les humains ont besoin.

En cela, notre forêt est un trésor, c’est bien cette multifonctionnalité, comprise et bien vécue par tous, qui sera garante de l’avenir de notre forêt française.

Forêt en automne

Sources : https://inventaire-forestier.ign.fr

Texte de Pascal Triboulot

Auteur

Flavie NAJEAN

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