JOURNEE TECHNIQUE – PERFORMANCE ET CONCEPTION HYGROTHERMIQUES CAS DES MATÉRIAUX BIOSOURCÉS

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Le 21 septembre, le Campus Bois accueillait sa première Journée Technique de l’année universitaire, organisée par L’ENSTIB, le LERMAB, le CRITT Bois, avec l’appui de professionnels du Grand-Est sur la thématique des bâtiments biosourcés et des problématiques hydriques dans le bâtiment. Plus de 80 participants ont pu assister aux présentations des intervenants venus du monde de la recherche et de l’entreprise.

PARTIE 1 – Performances réelles des matériaux de construction biosourcés : Contexte et problématique de terrain

Contexte et problématique de terrain, particularité des isolants biosourcés

Arthur Hellouin de Ménibus

Indépendant, expert et formateur en éco-construction. Basé à Rennes (35). J’ai deux activités. La première est d’être formateur de maçons sur chantier sur des techniques de terre-allégée projeté. La seconde est d’intervenir en expertise technique et scientifique sur des sujets qui concernent la caractérisation des performances des matériaux locaux pour la construction (exemples de matériaux sur lesquels j’ai travaillé dernièrement : terre crue, chaume, chanvre, lin, tournesol, roseau, paille…).

La question de la performance réelle des isolants thermiques du bâtiment n’est pas nouvelle. De nombreuses études scientifiques ont été consacrées sur ce sujet depuis l’après-guerre, à toutes les échelles : matériau, paroi, bâtiment. La question est encore ouverte à ce jour : est-ce que la conductivité thermique, le fameux «lambda», mesuré en laboratoire, permet à lui seul de décrire la contribution à la performance énergétique d’une paroi isolante ? Il devient urgent d’y répondre, dans un contexte où la recherche de performance énergétique des bâtiments est une priorité absolue, et où les été caniculaires deviennent une habitude.

Toutes les filières de matériaux isolants biosourcés se sont associées à partir de 2019 dans le cadre du projet BIP, pour tenter de comprendre pourquoi les matériaux biosourcés semblent mieux se comporter dans certaines situations. Nous ferons un éclairage sur les résultats de ce projet.

L’avancée de la recherche sur l’évaluation de leurs performances

Romain Rémond

Romain Rémond – Maître de Conférence (HDR) de l’Université de Lorraine. Enseignant à l’ENSTIB et chercheur au LERMAB sur les thèmes de la Physique du Bois et des transferts couplés de chaleur et de masse dans les matériaux lignocellulosiques avec des applications au séchage du bois et à la thermique du bâtiment.

Les matériaux isolants à base de fibres biosourcées ont la particularité d’être à la fois très hygroscopiques, faiblement conducteur de chaleur et très diffusifs à la vapeur. Ceci complique l’analyse de leur comportement en exacerbant le couplage chaleur-humidité lorsqu’ils sont soumis au climat variable de leur environnement.

L’étude des transferts d’humidité et de chaleur au sein des matériaux de construction dépasse désormais la simple question du risque de condensation dans la masse : impactes de l’hygroscopicité des matériaux sur le confort des occupants, sur la facture énergétique ou encore sur le confort d’été. Pour appréhender ces questions et accompagner les acteurs de la construction, différents outils de simulation numérique ou de caractérisation expérimentale ont été développés et utilisés dans les laboratoires. Des tendances intéressantes se dégagent ces études permettant de mieux comprendre l’impact du couplage chaleur-masse à l’échelle du matériau lors de sa caractérisation ou lorsqu’ils sont placés dans l’enveloppe des bâtiments.

Cette présentation abordera certains de ces travaux. Nous verrons également que des écarts demeurent entre les simulations et les mesures lorsqu’il s’agit de matériaux fortement hygroscopiques, laissant certaines questions ouvertes.

PARTIE 2 – Conception des toitures terrasses et de l’ITI

Toitures terrasses non ventilées en structure bois : la conception d’outre Rhin

Nadja Rémond-Schultz

Ingénieure en Architecture, diplomée de l’Ecole Supérieure Technique de Berlin (TFH), travaille depuis plus de 20 ans à la société Lignatec, qui est le pionnier de la construction CLT en France
Enseignante vacataire à l’ENSTIB dans le domaine de la pathologie de la construction bois due à l’humidité depuis de nombreuses années.

Depuis plus de 20 ans la toiture terrasse non ventilée avec l’isolation thermique entre les chevrons s’est imposée en Allemagne, Autriche et Suisse comme la solution privilégiée dans la construction bois. Economiquement intéressante et techniquement souvent préférable à la toiture terrasse chaude avec l’isolation au-dessus de la structure (notamment pour les toitures terrasses accessibles), elle est plutôt délicate du point de vue hygrothermique.

Les expériences positives mais aussi négatives, avec de nombreux cas de pathologie dus à l’humidité, ainsi que le perfectionnement des outils de simulation hygrométrique ont permis de comprendre les possibilités et les limites de ce type de complexe et d’établir des règles claires et sures pour garantir sa pérennité.

Nous allons retracer l’évolution de ce complexe de toiture, comprendre son comportement hygrothermique et les règles qui en suivent pour regarder enfin brièvement son intégration en France, qui a commencé en 2014 avec le guide Rage « Toitures terrasses en bois isolées intégralement sous l’élément porteur ».

Les méthodes de vérification et d’évaluation du risque

Léo Morche

Leonhard Morche, a étudié l’ingénierie à l’université technique de Rosenheim après avoir suivi une formation de charpentier et s’est spécialisé dans la construction en bois. Il a ensuite poursuivi ses études à l’université de Stuttgart dans les différentes disciplines de la physique du bâtiment, principalement sur le transport couplé de chaleur et d’humidité, l’utilisation des énergies renouvelables dans le secteur du bâtiment, la rénovation avec des matériaux renouvelables et le confort dans les bâtiments. Depuis 2010, il dirige le service technique de la société pro clima France, spécialisée dans les solutions innovantes pour l’étanchéité à l’air des bâtiments.

Différentes méthodes de calcul sont disponibles pour concevoir correctement des éléments de construction exigeants en termes de physique du bâtiment. Lors de la mise en place d’un système d’isolation thermique intérieure ou de la réalisation de toitures plates dites froides (non ventilées), telles que celles présentées dans le guide RAGE, il est nécessaire de procéder à des analyses du transfert couplé de chaleur et d’humidité.

L’objectif de ces méthodes de simulation dynamique est d’examiner la fonctionnalité et l’aptitude au service des éléments de construction à l’aide d’un grand nombre de critères d’évaluation (température, humidité relative, teneur en eau des matériaux) à différents endroits de la construction. Les conditions générales pour effectuer les calculs en conformité avec les prescriptions françaises se trouvent dans le guide CSTB SIMHUBAT. En cas d’utilisation de matériaux isolants biosourcés et hygroscopiques, la preuve de la résistance au développement fongique est un aspect important.

Le guide 3713-V3 décrit à cet effet des conditions d’essai spécifiques en laboratoire, qui sont également utilisées en partie comme critères d’évaluation pour des simulations dynamiques. Dans le cadre de cette intervention, il s’agira de montrer, à l’aide d’exemples pratiques de construction, dans quelle mesure les hypothèses initiales à respecter pour les simulations sont compatibles avec les critères de moisissure formulés et quelle est la pertinence de leurs résultats par rapport aux mesures in situ réelles.

La recherche sur le campus bois

Eric Mougel

Ingénieur ENSTIB, Docteur en sciences du Bois. Maître de Conférence de l’Université de Lorraine. Enseignant à l’ENSTIB et chercheur au LERMAB. Intervient en physique du Bois et matériaux biosourcés, transferts couplés de chaleur et de masse, applications au séchage du bois et à la thermique du bâtiment.

Le LERMAB (Laboratoire d’Études et de Recherches sur le Matériau Bois) est un laboratoire pluridisciplinaire (biologie, chimie, énergétique, génie des procédés, physique, mécanique, génie civil) de l’Université de Lorraine qui développe des recherches sur le bois et les fibres naturelles.
Nos activités de recherche en transferts de chaleur et d’humidité dans le bois, historiquement appliquées au séchage du bois et au traitement thermique du bois, ont été réorientées vers la construction bois et les matériaux biosourcés il y a une vingtaine d’années. Différents sujets tels que la performance spécifique des constructions bois et des matériaux biosourcés en termes de confort ou de consommation énergétique, la gestion des transferts d’humidité et des pathologies associées, etc., sont abordés. Ces projets de recherche ont permis de développer une expertise et un savoir-faire en caractérisation et en modélisation numérique. Des bancs essais expérimentaux ont également été installés sur le Campus Bois de l’Enstib. Certains de ces outils originaux de caractérisation multiéchelle de l’enveloppe et quelques résultats de ces différents projets, sont présentés.

PARTIE 3 – Rénovation : diagnostic, traitement et rénovation

Les outils du diagnostic

Laurent Bonne

Laurent BONNE, est architecte co-gérant de l’agence Ascendense Architecture, dans les Hautes Vosges. La grande majorité des affaires de l’agence concerne la rénovation du patrimoine de moyenne montagne, d’avant et après guerres. Orientés vers la performance énergétique et les matériaux biosourcés, les projets peuvent atteindre l’autonomie et la résilience, pour un impact carbone minimal. Constamment en recherche, des activités annexes sont menées en tant qu’expert judiciaire et formateur en rénovation patrimoniale.

Les pratiques de projets de rénovations, débutent par une démarche de Diagnostic singulière suivant le contexte. Cette phase est l’occasion pour repérer les cas de pathologies liées à l’humidité.

  • En terme de bâti ancien il peut s’agir d’un avis sur l’édifice, avant achat, pour en détecter les potentiels défauts et sources d’humidité, lors d’une visite.
  • S’agissant d’une mission de maîtrise d’oeuvre normalisée, le Diagnostic accompagne la mission préalable de relevés. De la cave au grenier, les cas d’humidités peuvent être nombreux. Une liste est à dresser, pour les cerner et envisager les futurs travaux de remise en état.
  • Enfin, en phase de travaux, des désordres pré-existants peuvent être découverts après les déposes. Ces aléas viennent du fait qu’il n’est pas toujours possible de procéder à des sondages destructifs avant travaux.

Dans tous les cas, des découvertes de pourritures ou moisissures doivent donner lieu à des analyses en laboratoire. Différents cas concerts et retours d’expériences seront présentés, pour illustrer ces démarches de diagnostics de recherche d’humidité.

Les champignons dans le bâtiment

Arnaud Besserer

Arnaud Besserer est titulaire d’un doctorat portant sur les interactions plante-champignon endomychorizens à arbuscules de l’université de Toulouse. Il enseigne à l’enstib et effectue sa recherche au Lermab depuis 11 ans sur les problématiques de dégradation du bois et des matériaux biosourcés par les champignons d’une part et sur l’utilisation de bioprocédés pour la productions de matériaux biosourcés à partir de produits bois en fin de vie (bois de démolition et déchets d’éléments d’ameublement). La caractérisation de la croissance des champignons filamenteux dans des matériaux bois ainsi que les interactions bois-champignons constituent une part importante de ses activités de recherches.

L’apparition de champignons de moisissures dans le bâti peut résulter de diverses causes et présager parfois de pathologies structurelles subséquentes. De plus ces organismes peuvent avoir un effet négatif non négligeable sur la santé des occupants. Après avoir défini ce que sont les moisissures et les champignons de dégradation du bois ainsi que leur mode dissémination, le risque sanitaire encouru par les occupants exposés aux moisissures sera abordé. Les conditions optimales de développement seront abordées en prenant en compte l’influence de la nature des matériaux support (biosourcés ou non) ainsi que l’humidité relative de ces derniers par une modélisation utilisant Wufi bio comme support.

Le traitement après sinistre

Edouard Aubriat

Edouard AUBRIAT, rejoint la société éponyme en 2003. Cette dernière fut créée en 1980 à EPINAL et est spécialisée dans les traitements contre les insectes, les champignons et l’humidité.
Il rachète la société en 2011 et en prend la direction.
Autodidacte, il complète sa formation auprès de différents mycologues Belge, Français et Canadien.

Les sources d’humidités dans le bâti peuvent être nombreuses et provoque différents types de pathologies.
Dans les bâtiments neufs, les principales sources d’entrées d’eaux sont souvent liées ou à la conception en amont ou à la mise en œuvre.
Si cela vient de la conception, alors bien souvent on observera des problèmes de condensation. Si cela vient de la mise en œuvre, les entrées d’eaux proviennent de mauvaises étanchéités.
Dans les bâtiments anciens, les principales entrées d’eaux sont également souvent de deux types, les remontées capillaires dans les maçonneries et les fuites d’eaux dues à un mauvais entretien.
Ces différentes entrées d’eaux non souhaitées, peuvent provoquer le développement de champignon lignicoles et/ou lignivores.
Des solutions préventives et curatives contre ces deux types de champignons peuvent être mises en place par des professionnels.

Exemple biosourcé d’une ITI sur mur ancien selon les règles de l’art allemandes (WTA)

Nadja Rémond-Schultz

Ingénieure en Architecture, diplômée de l’École Supérieure Technique de Berlin (TFH), travaille depuis plus de 20 ans à la société Lignatec, qui est le pionnier de la construction CLT en France
Enseignante vacataire à l’ENSTIB dans le domaine de la pathologie de la construction bois due à l’humidité depuis de nombreuses années
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Une rénovation par isolation intérieure sur un mur existant en maçonnerie perturbe forcément l’équilibre hygrothermique de cette paroi, avec un risque pathologique éventuel, notamment en présence d’un plancher bois avec les têtes de poutres encastrées dans ce mur.

Néanmoins, quand on entend parler de pathologies dues à l’humidité en relation avec une rénovation thermique de l’intérieur, les problèmes ont été découverts le plus souvent lors de la rénovation, alors avant la mise en place de l’isolation thermique.
Si ces problèmes d’humidité rencontrés sur l’existant sont analysés et traités de façon professionnelle avant la rénovation, la solution par ITI peut être très pérenne, à condition de respecter certaines règles.

A l’aide d’un exemple d’ITI biosourcée avec ossature secondaire en bois, nous allons comprendre les règles de l’art allemandes, qui ont été établies par le WTA International. Cette association a été créée par des professionnels il y a plus de 40 ans à Munich, et elle est devenue aujourd’hui la plaque tournante entre la pratique et la recherche pour l’entretien des ouvrages et la conservation des monuments historiques, en Allemagne, Suisse, Hollande et Tchéquie.

Les solutions de rénovation selon les typologies de bâtiments

Samuel Courgey

Pionnier des biosourcés, co-fondateur d’Effinergie… Samuel Courgey a fait le choix, après 15 années passées en chantiers et bureaux d’études de se concentrer à la veille technique de sujets liés à l’environnement. Expert des sujets « Rénovation », « Humidité », « Bâti ancien », co-auteur de livres de référence, il officie désormais principalement comme formateur, relecteur, et « lobbyiste pro-environnemental ». (Pour en savoir plus : associationarcanne.com)

Une rénovation n’est jamais un acte anodin pour un bâtiment. L’ajout d’un isolant, la modification du système de chauffage ou l’installation de nouvelles baies, étanches à l’air, soulèvent par exemple de nombreuses questions sur la qualité de l’air intérieur et la pérennité de l’isolation, voire de celle du bâti.

Mais même s’il reste encore quelques questions, nous avons beaucoup appris en 50 ans, et les études européennes convergent désormais toutes vers un même ensemble de bonnes pratiques.

L’isolation thermique par l’extérieur est simple à appréhender car le mur existant n’est plus froid du fait de de la présence de l’isolant. Les attentions à avoir pour assurer la pérennité de la paroi sont connues.

Dans le cas d’une ITI, c’est l’inverse : 100 % du mur est froid en hiver, donc l’objet de condensations de vapeur d’eau. La liste des attentions à avoir est plus longue et malheureusement, les textes accompagnant l’ITI en France ne sont pas encore tous sur la même longueur d’ondes. Sur certains détails il va donc falloir s’émanciper, particulièrement pour les isolants biosourcés.