Filière bois : un vent d’optimisme souffle à Besançon

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Le forum bois construction, qui s’est tenu du 9 au 11 avril à Besançon, confirme le vent d’optimisme qui souffle sur une filière désormais identifiée par l’Etat comme stratégique pour l’industrie française.

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« Qui aurait imaginé, en avril 2013, les progrès accomplis jusqu’à aujourd’hui ? La France reprend sa place dans la filière européenne du bois ». Georges-Henri Florentin, directeur de l’institut technologique Forêt bois construction ameublement (FCBA), a donné le ton, le 10 avril en ouverture du forum technique construction bois réuni pour la première fois à Besançon. Après avoir longtemps souffert de son atomisation, la filière a su se mettre en ordre de bataille le 30 août dernier au palais ducal de Nancy, au cours d’une réunion entre les présidents de ses trois composantes : France bois régions, France bois forêt et France bois Industrie. Le 17 octobre suivant, les ministres du Logement, de l’Agriculture et de l’Industrie ont embrayé, en lançant un plan national d’action structuré par sept groupes de travail sur les thèmes suivants : outils stratégiques, financement des entreprises, emplois et compétences, innovations techniques, initiatives commerciales à l’export, approvisionnement et transition écologique.

Objectif grande hauteur

A court terme, un plan de 8 à 9 millions d’euros donne corps à cette stratégie, sur le créneau des immeubles de grande hauteur (IGH). « Ce thème se justifie par une évolution mondiale : chaque année, la planète compte 65 millions de nouveaux urbains », analyse Frank Mathis. Désigné par le ministère du Redressement productif pour porter ce plan, parmi les déclinaisons d’un programme dédié à 34 « filières d’avenir », le P-DG du leader français de la construction bois espère fiabiliser le marché des immeubles de cinq à 15 niveaux, grâce à des références emblématiques qui s’approcheraient des 30 étages, à l’instar de projets à l’étude aux USA : « Pour exporter, il faut savoir construire des IGH », justifie le chef d’entreprise alsacien. L’association de designers, dès la phase de conception, contribuera selon lui à stimuler l’envie de bois. Les concours planifiés en 2015, pour cinq à dix mises en chantier en 2016, visent à mutualiser les savoir-faire français autour de trois types de systèmes constructifs : les planchers CLT, les systèmes poteaux poutres et l’approche contemporaine du colombage. Les cahiers des charges intégreront également la valorisation des coproduits.

La France séduit les Autrichiens

La fréquentation du forum de Besançon reflète la mobilisation de la filière : « Déjà en 2013 à Beaune, la troisième édition avait enregistré un bond de 27 %, avec 720 participants au lieu de 550 en 2012. Cette année, une nouvelle progression de 30 % nous amène à près de 1000 inscrits. Faute de place, nous avons limité le nombre d’exposants à 115, alors que nous avions 160 demandes », se réjouit Nicole Valkyser, organisatrice de l’essaimage français du forum créé en 1994 à Garmisch Partenkirchen (Bavière), et porté par un comité de six universités autrichiennes, suisses, allemandes, danoises et canadienne. Deux représentants de l’université de Lorraine rejoignent cette instance cette année : l’Ecole nationale supérieure des technologies et industries du bois (Enstib) d’Epinal, et l’Ecole nationale supérieure d’architecture de Nancy (Ensan).

L’architecte et critique d’architecture franco-allemande Dominique Gauzin-Muller pointe un autre signe de l’entrée de la France dans le concert des nations européennes de la construction bois : « En 2013, l’interprofession autrichienne s’est déplacée en Bretagne et Pays-de-Loire pour y découvrir la nouvelle architecture française. Les participants sont rentrés bluffés par la créativité et la liberté formelle, ainsi que par la variété des essences utilisées. Au cours des 20 dernières années, ce type de voyages se faisait toujours dans le sens inverse », témoigne l’auteure de plusieurs ouvrages sur l’architecture écologique et la construction bois.

Un emblème pour l’exposition universelle

Certes, l’optimisme ne suffit à gommer ni les faiblesses de la filière, ni la conjoncture du bâtiment : « Le bois n’a pas franchi les 10 % du marché français de la construction et ses leaders restent de petite taille », rappelle Wolfgang Winter, représentant de l’université technique de Vienne au sein du comité d’organisation du forum de Garmisch-Partenkirchen. Même s’il confirme les gains de parts de marchés enregistrés par le bois au cours des deux dernières années, Christian Piquet, président de France Bois Régions, reste en alerte : « Nous sommes dans une situation moins pire que d’autres, mais le bâtiment devrait encore perdre 7 à 10 000 emplois en 2014 ». La filière craint un redoublement de l’agressivité commerciale de ses concurrents. Comme ces derniers, les entreprises du bois redoutent une nouvelle panne de la commande publique, consécutive au redécoupage administratif du pays.

Malgré ces obstacles, les participants au forum se sentent d’autant plus le vent dans le dos que deux événements programmés en 2015 soutiendront leur moral : le cinquième forum technique bois construction se tiendra l’an prochain à Nancy, confortant le rôle clé de la Lorraine et du Grand Est dans l’innovation et la diffusion des savoir-faire français. Cette même année, l’entreprise franc-comtoise Simonin construira le pavillon français de l’exposition universelle de Milan, pour lequel l’architecte Anouk Legendre (agence X-Tu) a prévu 1000 m3 de bois.

FOCUS

Hommage à Roland Schweitzer

Invité d’honneur du forum de Besançon et pionnier français du bois durant les 30 glorieuses, l’architecte Roland Schweitzer, né en 1925, fête les 60 ans de son agence avec un livre rétrospectif intitulé « Un parcours d’architecte ». « Je suis né à Haguenau, une ville clairière qui a influencé mes pratiques, avec la prise de conscience du jeu des arbres et de la lumière dans un espace organique », témoigne le petit-neveu d’Albert Schweitzer, connu notamment pour le siège de la direction régionale de l’agriculture et de la forêt de Châlons-en-Champagne, construite en bois en 1993 à la demande du président François Mitterrand.

L’infinie variété des maisons à colombage d’Alsace, produites avec un système constructif unique, a nourri son émerveillement pour l’architecture vernaculaire, confirmé en 1967 avec la découverte du Japon, en compagnie des deux collaborateurs locaux de Le Corbusier. « Là-bas aussi, un seul système s’applique à la ferme du paysan comme au palais de l’empereur ». Cette source orientale et ancienne l’a mis sur la voie de thèmes contemporains et sans frontière, comme la relation entre intérieur et extérieur par des murs filtre. Le mur en bois ajouré d’un temple bouddhiste du VIIème siècle illustre son propos et éclaire le premier chapitre de son livre, consacré à la continuité : une idée que Roland Schweitzer a lui-même incarnée, au fil de 40 ans de pratique de l’enseignement de sa discipline, mais aussi dans sa propre agence aujourd’hui reprise par sa fille Marie. L’hommage rendu à Besançon par son ancienne élève Dominique Gauzin-Muller témoigne de sa contribution à la renaissance du plus ancien des matériaux de construction.

Laurent Miguet, bureau de Strasbourg | Source LE MONITEUR.FR